Le projet que nous proposons aux jeunes français et rwandais est une expérience concrète de la francophonie. Ils découvrent le français comme langue de communication d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre. Une langue qui transporte, traduit, partage des émotions, point de départ d’une réflexion personnelle et collective.
Pour les jeunes français, cela peut sembler évident d’écrire en français pour communiquer avec d’autres jeunes et, pourtant, cela ne l’est pas tant que ça dans un monde où l’anglais est, à travers leurs écrans, omniprésent.
Ils réalisent que les jeunes avec qui ils correspondent et écrivent pour faire un livre sont capables d’utiliser le français en plus de leur langue maternelle, le kinyarwanda, et aussi en plus d’autres langues puisque le Rwanda dispose de quatre langues officielles (kinyarwanda, anglais, français et swahili). Écrire en français, c’est donc pour eux s’ouvrir à d’autres pratiques linguistiques et culturelles. Parfois aussi, cette expérience de ce qu’est la francophonie fait écho à leur propre vécu personnel et familial. Beaucoup d’entre eux ont des familles qui s’expriment aussi dans une autre langue que le français.
Pour les jeunes rwandais, la pratique du français à l’écrit peut ressembler à un défi, une montagne à gravir. Les élèves de l’École francophone Antoine de Saint-Exupéry de Kigali qui ont participé à la première édition du projet Kwandika avaient, pour la plupart, une connaissance intime du français, mais pas tous. Certains s’exprimaient dans leur cercle familial plutôt en anglais et l’exercice qui leur était demandé était très exigeant.
Cependant, le projet Kwandika a pour ambition de mettre la langue française comme moyen d’expression et de communication à la portée de tous les jeunes participant.es. Écrire en français n’est pas réservé à quelques uns, aux meilleurs élèves en particulier ou à ceux qui maîtriseraient le mieux le français.
- Même si ce projet a lieu au sein des établissements scolaires, la pratique des ateliers d’écriture se distingue de ce qui a lieu en classe, dans le cadre des apprentissages scolaires et libère les élèves des contraintes inhérentes au cours traditionnel de français.
- L’atelier relève davantage d’un partage d’expériences avec l’autrice qui anime l’atelier et se distingue du cours donné par l’enseignant.
- Les productions écrites ne sont pas l’objet d’évaluations ou sanctionnées par une notation.
- En revanche, les textes lus à voix haute par leurs auteurs, assurés qu’ils ne seront pas jugés mais encouragés à poursuivre leurs efforts, fournissent une base à des échanges au sein de l’atelier d’écriture.
- Il n’existe ni bonnes ni mauvaises réponses, ce qui permet de débloquer souvent des élèves que la langue et ses codes grammaticaux ou la pratique de l’écriture rebutent.
- L’attention est portée sur ce qu’elle transporte en terme d’émotions et sur l’effet que produit en chacun la beauté de la langue, sa musicalité par exemple.
Nous constatons que, même des élèves en difficulté scolaire, en situation de handicap (autisme par exemple) ou gênés dans leurs apprentissages, s’engagent pleinement dans un projet qui, pourtant, semble aux antipodes de ce qu’ils aiment faire. À l’issue du projet, ils ont d’ailleurs souvent le sentiment d’avoir progressé dans leur expression tant orale qu’écrite. La publication d’un vrai livre où chacun trouve au moins un de ses textes publié noir sur blanc les conforte dans ce sentiment et rend chacun fier des efforts fournis.